J'ai fini mon année, dans la frustration et l'incompréhension, les larmes aussi - la colère de Lucile : qui les traite de tous les noms, qui ne comprend pas non plus pourquoi au dernier moment Messieurs Mesdames les Professeurs m'ont enfoncé la tête dans le parquet.
Moi j'ai appris j'ai créé j'ai écrit. Et je vais continuer cet été, l'été je travaille toujours beaucoup. Beaucoup de peintures, de dessins et de chapitres.

Maintenant je regarde la pluie, c'est les vacances et je vais aller lire dans mon bain.


(Et dès demain, j'arrête l'apitoiement sur moi-même, j'arrête de geindre, ici c'est pas fait pour ça, mais ce soir je suis cette petite adolescente perdue qui ne comprends pas pourquoi elle a une mauvaise note.)

Lundi 10 juin 2013 à 18:38

Complètement paniquée, la pauvre chérie.
J'ai fait n'importe quoi ces dernières semaines - la paresse c'était pas du chiqué - j'ai écrit beaucoup mais le jury s'en fout. 
Et demain je dois rendre des comptes. Je dois dire : j'ai fait ça parce que. J'ai fait ça afin de. Et tout doit se tenir, tout doit s'enchaîner et tout doit être fin et bien présenté. Mais si faire de l'art c'est rendre des boulots bien léchés et creux, je me demande bien ce que je fous là.

Parce que moi ce que je veux c'est réveiller les gens. Même si ça n'est que deux personnes, même si ça n'est que pour trois minutes. Alors rendre des comptes ... pfff ... Je les imagine en croque-mort. Hé, jury ! vous allez me piétiner ou me balancer un "Peut mieux faire" ? Non vraiment je me demande ce que je fous là.

J'aurais dû faire des maths.

Lundi 10 juin 2013 à 0:43

Ce matin j'ai souri à deux jambes fines, j'ai admiré des mollets parfaits et des pieds énergiques dans des chaussures à talons. Je ne me sens jamais si femme que quand je désire une femme.

Jeudi 6 juin 2013 à 13:25

La dernière fois que j'ai ouvert ce carnet (je ne compte pas les trois traits avortés de la veille au marché), j'étais au soleil, j'étais pleine de bonne volonté, je pensais : je suis ici, tout ira bien. Mais je regarde aujourd'hui mes dessins et je me rends compte que mes maisons sont grises et lugubres. Elles ressemblent à des pierres tombales, disséminées comme ça sur la page. J'ai dessiné un village fantôme. J'en imagine les habitants, je les façonne quelques minutes dans ma tête, je leur donne des noms. Mais le reste ne suit pas. J'aurais voulu compléter mon village mort avec des gens bien vivants qui s'apprêteraient à tout repeindre ; mon crayon refuse.

Je décide d'aborder le problème autrement. Je réfléchis. Ce qu'il me faut c'est des choses que je peux regarder dans les yeux, dont je peux tourner autour, que je peux scruter tout mon saoul. Il me faut aussi quelque chose de difficile à dessiner, d'aride, il me faut quelque chose qui me demande un effort physique, mais pas intellectuel.

J'ai une idée. Je suis debout au milieu des meubles – tous ces meubles familiers. Pour l'occasion, je les transforme en ce qu'ils ont été un jour, avant qu'on les prenne en sympathie, quand ils étaient neufs, inconnus, orphelins : des objets inanimés, apathiques et vides. J'ai mon carnet de croquis dans la main droite, un crayon dans la main gauche. Je m'assieds en tailleur sur le tapis bleu – comme sur le dos d'un éléphant poilu.
Puis je me relève, il manque quelque chose. Je mets un disque de Jazz dans la chaîne hi-fi, monte le son, et retourne m'asseoir.
Quand on met le son assez fort, la musique traverse le corps et imprègne chaque cellule. Tout en écoutant attentivement les chansons comme si c'était par la force de ma concentration que la musique pouvait continuer, je me met au travail, un à un les meubles, je dessine un à un les meubles et les objets du salon. Il y en a beaucoup. Je les dessine un à un, l'un après l'autre, à la chaîne, toute ma conscience retirée dans mes yeux, le reste de mon corps blanc, dur, tendu, retenu au trait qui coule de mon crayon. Je n'ai pas fini quand le dernier morceau du disque s'achève. Vite, très vite, je remets le disque au début, et je continue de dessiner.

Pendant trois jours je dessine, passant du salon à la cuisine à la salle de bain aux chambres. Le même CD tournant en boucle, sauf la nuit pour ne pas réveiller les voisins. Mais je connais par cœur chaque mesure alors le disque continue de jouer dans ma tête et ça ne change pas grand chose. Frénétiquement et placidement à la fois, je dessine pendant ces trois jours, m'interrompant à peine pour dormir. Et quand j'ai dessiné jusqu'aux bibelots dans l'entrée, je vais me coucher, épuisée, calme et remplie de quelque chose. Quoi ? Je me sonde mais je ne sais pas. C'est supportable, pour la première fois depuis que Paul m'a craché au visage.


 

Mardi 4 juin 2013 à 20:04

La paresse est le plus laid des péchés. Les autres – envie, luxure, colère, tous les autres – entraînent une énergie positive, une volonté, une rage créatrice. Les autres je n'ai jamais compris pourquoi on les appelait péchés. Caresser un corps jusqu'à satiété, exploser de rage jusqu'à être libre, et léger, tout goûter et tout sentir, tout vouloir et tout aimer, et s'aimer, enfin tout quoi ! Ce n'est pas péché.

Mais paresse, sombre, lourde, terrible masse noire, infuse mon corps, se propage, contamine ma peau ; cernes. Paresse m'immobilise, tout ralentit, pourriture, spleen, mais pas ce spleen romantique tellement à la mode, non … non …. non … désespoir immobile, paresse … Tout ralentit, tout s'entraîne vers le bas. Se laisser aller à la paresse c'est tout donner à la gravité (F = GmM/r2), c'est oublier qu'on sait marcher, c'est tomber vers le bas, vers la terre ferme, les membres si lourds qu'on ne les sens pas, et abandonner le sommeil pour l'imbécilité. Paresse, délire terne et sans énergie.

Mardi 4 juin 2013 à 15:43

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