Je veux me trouver belle à nouveau. Pas cette beauté un peu sale que me prêtait Cecil, pas cette beauté que je devinais dans les yeux de Martin, une beauté que je trouverais dans mon propre ventre, une beauté de potentiel et de possibilités. Je sais qu'il me reste des dessins entassés là-dedans, des petites scénettes absurdes et des contours d'acrylique, des couleurs vives qui se révèlent l'une l'autre, enfin des trucs à dire et faire comprendre. Ma beauté n'est pas dans mon corps nu et humide ni dans mes soupirs ni dans ma bouche qui mord, elle n'est pas dans les poèmes étranges que je dépliais à côté de Martin sur mon lit, elle est quelque part ailleurs et je la ferai voir dans ces peintures qui sortiront de ce ventre un jour ou l'autre.

J'en suis venue à détester Cecil pour les quelques pointes de plaisir qu'il m'a donnée, j'en suis venue à aimer Martin pour de vrai, loin de cette vie à deux bancale qu'on s'était inventés. La frustration de son regard fuyant est loin, je ne pense plus qu'à cet amour que j'ai ressenti quand je l'ai vu dessiner dans la pénombre toute en boiserie et poils d'animaux du Museum d'Histoire Naturelle.

Je me jette dans ces étreintes et ensuite je regrette, c'est facile de profiter et de dire Oui vas-y quand le corps est content, mais le lendemain matin avec l'odeur sur mes mains et l'estomac barbouillé, il y a seulement l'envie de fuir. Et aussi je crois toujours que tomber amoureux c'est joli et facile mais quand l'amitié est morte il ne reste plus grand chose d'autres que les récriminations.
Silence radio du côté de Cecil, je suis soulagée. Martin m'écrit : on fait quelque chose la semaine prochaine ? Et je suis impatiente.

Mercredi 11 septembre 2013 à 16:13

Quelques derniers pas et puis elle se fige. Le corps cambré et tendu et aride, cette femme regarde le ciel et son unique nuage. Ses côtes je voudrais mes doigts dedans, ses côtes sont une certitude et un point d'attache. Aussi : le visage sale, de la boue, de la poussière, des sillons de sueur, le tannage du soleil. La peau craquelée, qui tire, douloureuse. Elle dénude ses épaules d'un geste dur, dévoile un carré propre sur son corps enduit de saleté. La bouche appelle l'eau. Les pieds réclame le repos. Ce nuage violet et menaçant la surplombe depuis treize jours sans jamais céder. Il suit ses pas, se laisse peser sur ses épaules, tremble et gronde par intermittence, mais pas de pluie. Elle dénude son corps et ça n'a aucun sens, d'abandonner sa fine protection de coton. Le pantalon s'affaisse au ralenti sur le chemin rouge, raidi du sel de sa sueur et de cette poussière d'enfer. Sa chemise par-dessus, … Elle fait craquer son squelette d'oiseau en roulant des épaules en faisant jouer sa nuque. S'enroule dans son tas de fringues.
Tapie sous mon rocher, je la laisse agoniser pour la beauté du souffle qui s'épuise, pour la cruauté des quarante-sept secondes de silence entre le dernier battement de son coeur et la première goutte de pluie qui s'écrase sur son mollet - dans un rond blanc et frais.

Mercredi 4 septembre 2013 à 20:36

Je suis réveillée par le lit qui tremble, ça secoue sous mes fesses et mes cuisses. A ma droite des sanglots et pas grand chose à y faire. Des sanglots qui prennent toute la place et projettent une tristesse menaçant de coloniser mon propre corps. Je gueule et ce cri n'est qu'un raclement dans ma gorge toute pleine du sommeil de cette nuit chaotique. Je chuchote donc, avec rage et lassitude : casse-toi de mon lit, va pleurer ailleurs.
Je veux pas de lui et je le veux, il semblerait qu'il me veuille aussi. Mais je ne peux pas guérir et porter et soulager ce garçon ni homme ni femme, ni grand ni beau, insupportable et geignard. Parfois je lèche ses plaies, avec presque l'impression que je l'aime, c'est faux je ne supporte pas sa voix, tout ce que je veux c'est le lécher jusqu'à assécher ma bouche, et si parfois je me laisse aller à le consoler, j'ai conscience de m'engouffrer dans le piège qu'il me tend, l'attraper une seule fois dans mes bras et maîtriser ses sanglots c'est l'autoriser à m'agripper, m'attirer jusqu'à lui chaque fois qu'il le voudra, me noyant avec lui, un rictus aux lèvres, "je ne suis plus tout seul dans ma misère."
Je suis sa nouvelle lubie.

Samedi 31 août 2013 à 12:49

J'ai pris mon stylo dix fois, vingt fois, cet été. J'ai ouvert cette fenêtre vide et blanche, j'ai tapé quelques mots. Cent fois des phrases orphelines et stériles, perdues, stupides, insensées.
Quelque chose se bloque dans ma gorge et mes doigts, à peine les mots sous mes yeux je les efface, effrayée, incertaine. J'efface et pour quelques heures j'oublie que je sais écrire, que je sais créer des phrases qui n'ont jamais été écrites avant moi (parfois ça m'arrivait, parfois je le sentais. C'était grisant.)
Il y en a des choses dans ma tête pourtant ; mais lassée de tout, lassée des gens et des mots, je dépéris, je fane et j'aimerais m'oublier, alors que dehors sur la terrasse chaude ma mère profite du soleil.
Je ne suis pas morte mais c'est tout comme ; j'attends la résurrection, l'impulsion qui va faire bouger mes jambes, mon corps, qui va me faire réclamer la lumière, la danse, les rires et les orgasmes.

Mercredi 21 août 2013 à 14:37

C'est la banlieue – le soleil sur les lotissements et la touffeur des rues toutes nues. Je, moite et languissante, monte dans le bus, valide mon ticket tout gondolé, m'installe dos au chauffeur. Il ne m'a même pas regardée quand je lui ai dit bonjour. Un mal de tête lancinant côtoie le jazz dans mes oreilles. J'ai mis un truc tout doux, tout suave, pour apaiser la douleur. Une voix de femme un peu rauque et sexy, oui, sous ma robe d'été il y a comme un petit vent frais.

 

J'écris tout doucement,voilà deux semaines alors j'ai un peu oublié.

Jeudi 11 juillet 2013 à 18:04

<< Page précédente | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | Page suivante >>

Créer un podcast