Maintenant j’y repense sans les spasme, avec un certain détachement, et tout de suite après je pense à Jules. Jules qui n’a rien du tout du tout à voir avec ces petits garçons pervers pour qui je n’étais qu’un jeu un peu pathétique, celle qu’on course et qu’on agrippe aux hanches et aux fesses, lui c’est vraiment différent, enfin tout ce que j’en dis c’est ça, il est différent, c’est pas une lettre d’amour, je réfléchis c’est tout. Je m’égare un peu pour ne pas penser à ces gringalets imbéciles, on avait tous treize ans et tout ce que j’entendais autour de moi c’était qu’à treize ans il n’y a pas grand chose de vrai, on ne peut pas faire de mal à treize ans, oh, non, alors dans ma tête c’était pareil : t’en garderas pas de trace, un jeu innocent, ils t’ont juste un peu touchée, ça vaaaa, et puis tu l’as cherché, à rire quand ils te couraient après. Mais si rien de mal ne s’est passé dans cette foutue cage d’escalier et ce troisième étage, pourquoi ai-je aujourd’hui encore cette angoisse sourde dans les escaliers, quand j’entends dans mon dos des pas trop proches ? Je dis toujours Passe devant, et puis une blague (que je mate ton cul). J’avais jamais raconté l’histoire où que ce soit, enfin je crois, peut-être mon journal mais non, la honte de m’être laissée faire il me semble, pourtant cette nuit-là dans les bras de Jules j’ai donné les détails, j’ai même parlé de ce garçon plus âgé qui regardait le cul posé sur sa chaise, et qui n’a rien fait, et puis cet autre ami (c’était mon ami et je l’admirais) qui m'immobilisais les bras,
mais c’est rien, Marion, quelques mains entre tes jambes, et ce pantalon tiré jusqu’au genoux, c’est rien,
mais toujours est-il qu’un jour j’expliquerai pourquoi cet événement stupide m’a fait tomber plus bas que terre.