Un peu trop de mots et puis des fois il y a (on est content) juste des images des couleurs et des impressions comme un Rothko après dix Pollock au musée, c’est fatiguant tant de contradictions un jour j’aime non mais pas comme ça et puis enfin la lune quoi contradictions quête sans fondement la fin avant le début et le milieu tout le temps mais seulement dans ma tête parce qu’en vrai je trie et j’analyse et je fais comme si je savais tout bien dans l’ordre. J’aime la logique et tout savoir et quand tout s’emboîte mais parfois juste sentir, ressentir, quoi, là, maintenant avec rien qui se perd ailleurs.

La scène du miroir. Moi, moi dans le miroir. Je sors de moi et je regarde. Deux silhouettes en chien de faïence. Je modèle ton visage, tire ton sourire, mes doigts dans ta bouche, ouvre grand ; qu’est-ce qu’il y a derrière ?
Me, te comprendre dans le miroir et dans le papier c’est aussi le coup de scalpel net et précis. J’ouvre ton ventre et je regarde d’un regard froid, chirurgical. Ton foie ton estomac ta rate tes reins alignés devant moi. J’inspecte la bile, je soupèse ce qui te fait, car je veux savoir : de quoi es-tu faite. Croire savoir. Et tes limites je voudrais les déterminer ; je croyais : ta peau, tes bras tendus ou ta chaleur diffuse (peut-être) mais dans tes pensées projetées il y a ton corps dans ton regard qui cherche à accrocher l’horizon aussi. Et tes peaux mortes abandonnées dans ton dos emporte un peu de ton être intime.

Le miroir et mon étreinte ne suffisent pas, les mots non plus. Mais mieux que rien. Mieux que fermer les yeux mieux qu’oublier de penser. Je m’arme et me regarde encore. Je me modèle toujours.

Lundi 5 janvier 2015 à 17:59

Je parcours mon blog parce que Jules m’a dit : donne-moi ces textes que tu écris et que tu ne me montres pas. Je cherche et je n’aime pas trop ce que je lis, et puis ça.
Jules, Martin.

J’aime Jules. J’ai quitté Martin. Le premier ne s’appelle pas Jules le deuxième ne s’appelle pas Martin et quand je chuchote leurs vrais prénoms je
quand je chuchote leurs prénoms j'en reviens pas de ma chance
Martin m’a écrit les plus beaux poèmes du monde et quand j’y pense
putain.

Martin le matin où je l’ai quitté savait que j’allais le quitter. Nous sommes allés au parc, il faisait beau, mais il était presque désert pourtant. Alors j’ai cette image nous sommes tous les deux en haut de la fausse montagne de rochers avec la fausse cascade sous les pieds et nous regardons l’eau couler, accoudés à la rembarde, et je dis Je t’aime et je t’aimerai toujours
je l’aime toujours
mais c’est pas possible t’es pas possible tu m’épuises trop mais je t’aime mais un jour cette femme qui verra comme moi comme tu es extraordinaire et qui aura la patience et le courage et qui t’aimera comme il faut te rendra tellement heureux
j’en sais rien mais
j’ai cette image là aussi : il me présente cette femme et je suis jalouse. Pas qu’elle ait Martin à son bras parce qu’il pesait vraiment trop lourd au mien mais qu’elle ait la patience et le courage et qu’elle l’aime comme il faut elle. Et je l’admirerai tellement et je serai heureuse ouais comme une folle ouais juste après la jalousie folle de joie parce que Martin aura son gigantesque sourire et sera fier et je serai fière de lui.

Et puis, moi, Jules.
Cette nuit j’étais furieuse
envie de le frapper presque
et j’ai fait la gueule
immobile dans le lit à sentir chaque os de mon squelette s’enfoncer dans le matelas
et il le sait quand je suis dans cet état-là faut rester loin hors de portée de mes coups de dents
et puis je me suis détestée de le détester et doucement je me suis rapprochée de son côté du lit
sans rien dire
pelotonnée contre lui
et il m’a caressée les cheveux,
sans rien dire.

Quand j'y pense,
putain.

Dimanche 21 décembre 2014 à 22:20

Rien n'existe plus le temps l'espace le bruit et le silence QUE LA DOULEUR
à moins que tout existe si, entremêlé si, ensemble à tout brouiller à créer le néant de l'infiniment grand et l'infiniment petit et je sens le vide dans mes cellules dans mes atomes, la matière c'est presque cent pour cent de vide il faut bien que parfois le vide prenne le pas et déchire notre désir d'être plein.
Tout le sang afflue à la tête tout le sang et tous les mots avec mais pulvérisés à l'entrée, réduits au rien qu'ils sont si ma matière c'est du rien ma pensée c'est ? 
Tous les mots pulvérisés à l'entrée, ne reste que j'ai peur j'ai peur j'ai peur
peur de rester coincée là-haut dans le noir tout est noir coincée enfermée dans la douleur avec juste la peur que ça ne s'arrête jamais
et ça ne s'arrête jamais parce que plus rien plus le temps plus l'espace plus le bruit et le silence
j'y suis encore même si la douleur a reflué
et maintenant je sais que j'y serai toute ma vie
parce que le temps rien
le temps rien
ou peut-être un caillou dans ma poitrine
dans ma poitrine toujours je crierai toujours je serai coincée dans la nuit où tout est noir et où le vide prend le pas sur le désir d'être plein et l'énergie prodigieuse PRODIGIEUSE qui nous fait lutter contre le néant qui avale tout et qui est nous ne peut plus lutter contre le vide qui avale tout et qui est moi.

Dimanche 9 novembre 2014 à 13:06

Dans ma bouche le goût de la cigarette trop chargée, dans ma gorge brûlée des relents de bière ; sur mon estomac pèse la chipolata de trop. Dans sa bouche les même goûts, et sur ma langue seulement la moiteur de sa langue, et sur sa langue ma langue s’enroule et ses lèvres suçotent ma lèvre gonflée et mes dents mordent sa lèvre gonflée. Nos souffles s’accélère et nos corps se rapprochent, plus près, plus près, jamais assez serrés, je sens son sexe presser le mien à travers son caleçon, son pantalon, mon pantalon, ma culotte. Frotte ; je le sens déjà en moi ; déjà au fond ; enlève mon t-shirt, mon pantalon, il bute sur mon pantalon, trop précipité, je l’enlève moi-même, il bute sur mon soutien-gorge, je le laisse trifouiller tripoter jusqu’à ce que ça cède, en rigolant dans son cou. Presque un an de sexe ; mais mon soutien-gorge lui résiste encore. Pendant ce temps toujours debout, lèche la peau salée un peu sèche, traînée mouillée lentement ... lentement ... de son cou à son oreille de son oreille à son menton. Menton râpeux, râpe ma langue, ses mains glissent dans mon dos, les miennes s’agrippent à ses cheveux trop courts.

Et je suis nue. Lui en sous-vêtements. Tâche humide. A l’étroit c’est sûr. « Enlève moi ça. » Le voilà dressé, libre, comme une flèche prête à fuser. Face à face. Respirations, yeux mi-clos. L’envie. Son regard, mon sexe enfoui sous les poils — il aime ça. Moi aussi. Je regarde avec lui, à la lumière de la lampe de chevet, les veines, le gland, et quand c’est trop, parce que soudain je veux trop, je l’attrape par dessous. Il se laisse faire, trois secondes, mes doigts caressant ses couilles, mais tout de suite ses bras forts m’entourent, me saisissent, durs, me jettent sur le lit. Excitée de le voir se pencher sur moi, je me délecte le voir me dominer de toute sa carrure, le sentir plus fort que moi, plus musclé, plus large. Je frotte mes fesses contre les draps blancs, tend mon bassin vers lui, l’enserre de mes jambes. Mes pieds contre son dos, il se libère d’un seul geste et se penche sur mes seins. Je murmure « Lèche ... » et sa bouche chaude sur mes tétons, sa langue qui joue, un peu maladroite, mais délicieuse. Pendant que ses mains immobiles brûlent ma peau. Un reste d’ivresse me fait tourner la tête et se fond dans le désir qui m’exalte. Des ondes de plaisir me parcourent, connectent mon sexe et ma poitrine et mon ventre et mes cuisses et le bas de mon dos.

(...)

Mercredi 17 septembre 2014 à 0:01

Désemparée
par cette pensée qui me chope par le collet au détour de rien du tout. Je lis ou je roupille doucement sur ma couette jaune et : « Je ne suis ni pianiste ni écrivain. »
J’ai bloqué un peu, comme devant une pensée-mur, pas une pensée-spirale qui entraîne vers les bas-fonds : une pensée qui encombre et qui cache le reste. Je longe le mur à pas de loup, tentant par la ruse de le contourner ou bien m’engouffrer dedans... Je dis aux briques et au ciment « Oui mais je joue du piano et j’écris, dis. » mais le mot de passe n’est pas celui-là.

Car
je jouais du piano, appliquée, avec plaisir mais sans rigueur. N’est pas pianiste le dilettante. A présent je pianote distraitement cinq fois par saison, je me délecte du Tchaïkovski et du Mozart et du Mendelssohn que mes doigts ont retenus, un peu crispés — grains de sable persistant dans les ourlets d’automne.
Et quant aux mots qui s’alignent, fixant états d’âmes et pensées-spirale, pensées-mur, pensées-vol-plané, pensées-tourbillon, ou désespérant habiller histoires bancales et personnages fantômes, ils ne portent pas en eux le souffle qui ferait de moi l’écrivain.

Je murmure tout ça et ça marche et l’équilibre revient doucement. Le mur se fissure et de derrière me vient des ritournelles fragiles mais sincères, et des mots jolis car les mots sont jolis, des mots que j’ai fait miens sans doute puisqu’ils font écho dans ma bouche. Et puis tant pis pour mon passé de pianiste et tant pis pour « j’aurais pu être pianiste si... ou si... », salut. Et tant pis pour mon futur d’écrivain et tant pis pour « un jour je... », on se sent légère sans étiquette.

Un jour je. Ou bien un jour non je ne.

Dimanche 14 septembre 2014 à 17:35

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