Je ne sais plus écrire
Je sais encore écrire mais je n'ai rien à dire. Rien qui n'aurait déjà été dit. Je refuse de me laisser aller ici à l'apitoiement, à l'autoflagellation, non parce que c'est ainsi qu'est mon caractère – volontaire, désabusé, positif – mais parce que présenter la preuve que je suis geignarde et molle aussi explicitement dans un espace blanc, me rebute. Je laisse ça un peu fuyant dans ma tête et dans mon corps. Ça me cloue au sol, à mon lit pour aujourd'hui, mais ça va passer. Je crève de peur et de dégoût, mais il y aura bien un jour où je me relèverai, m'écriant youpi face à ma fenêtre giclant de soleil levant.
(Ma fenêtre ne gicle jamais le soleil levant, face à ma fenêtre il y a un autre mur et un toit couvert de fientes.)
En attendant, j'attends. J'attends j'attends j'attends, ni patiente ni impatiente, mais dans une angoisse dévorante, que quelque chose se passe, un mouvement au coin de mon œil, une beauté un geste quelque chose. Attendre c'est couard, mais m'agiter dans tous les sens et faire semblant de savoir quoi leur dire à tous qui se croient talentueux (et la plupart le sont) ; les veinards, qui rient un verre de mauvais blanc à la main, liant connaissance avec les petits nouveaux et renouant avec les anciens, faire semblant ça me tue.
Et certains le comprennent : il y a Lucile et Nathalie, qui m'emmènent au cinéma et m'écoutent quand je parle.
Quand j'aurais fini d'attendre, il n'y aura plus la flagellation ni l'apitoiement, il n'y aura que le calme et le mouvement, et le désir de faire quelque chose qui compte, et de dire et de sentir ; en attendant, j'attends.